vendredi 31 août 2012

JOUR 1 ET AVANT



(moi et mon chapeau avec l'écusson de l'association du Québec à Compostelle)

***Ce premier billet sera un peu long, ne vous découragez pas les autres seront plus courts lol***

Voilà je suis dans l’avion. Fatiguée mais soulagée que tout ce soit bien passé, bien enfin, presque tout… je vous raconte :

D’abord je dois dire qu’il y a 652 km entre Baie-Comeau et Montréal. Au mieux c’est donc une très longue balade de 8 heures 30 de trajet minimum. Au pire, c’est un trajet infernal avec un arrêt forcé au traversier de Tadoussac (qui peut être de 2 heures parfois), des énormes camions de transport de marchandise, des réparations sur la route, des bouchons à Québec ou à Montréal, etc.

26 avril Ma compagne de marche, Danielle, et moi, nous sommes donc parties vers 10 heures de Baie-Comeau. Nous avons fait un arrêt dans Charlevoix pour déposer ses deux chattes chez sa sœur qui les gardera pendant un mois. Le temps de manger une bouchée et nous voilà reparties. Il faisait beau et le ciel était bleu jusqu’à Québec. Après ça se gâte et il pleuvra jusqu’à Montréal. Le GPS nous mène bien à l’hôtel mais par une entrée arrière qui n’est pas évidente quand il fait noir et que nous sommes dans un quartier industriel. On tourne un peu autour du carré. Petite panique et manque d’écoute, la fatigue fait son œuvre. Quelques minutes plus tard on est dans notre chambre d’hôtel de l’Econolodge Côte-de-Liesse et ce n’est pas long que nous sommes prêtes pour le souper. On choisit le Score qui nous surprendra par la qualité du repas. On file ensuite se coucher.

27 avril À 3 heures du mat, dans la chambre d’à côté, des petites madames un peu trop joyeuses arrivent. Semble-t-il qu’elles s’envolent pour Cuba. En fait, elles sont pas mal déjà en l’air… L’insonorisation est nulle et on dirait qu’elles sont dans notre chambre, si bien que l’on peut suivre le conversation sans aucun problème. À 4 heures, elles se taisent enfin et je me rendors de peine et de misère. Vers 6 heures je me réveille. On gèle dans l’hôtel. Il neige dehors. Je perds mon temps sur l’ordi du hall de l’hôtel en attendant la navette qui nous mènera à l’aéroport Trudeau.

À l’aéroport, on fait « saucissonner » notre sac à dos dans le plastique pour 8$ et on récupère notre carte d’embarquement au guichet d’Air Transat. Quelle chance nous avons la rangée 25 et les sièges A et B, donc seulement deux sièges. Moi je suis aux anges, je vais avoir un hublot.
Dans la salle d’attente un monsieur m’aborde, c’est Gérald un pèlerin de Québec. Il a décidé de venir me parler grâce à mon écusson de l’Association du Québec à Compostelle cousu sur mon chapeau. C’est sympa de sa part.  Plus tard Gérald nous apprendra que nous sommes 7 pèlerins québécois dans l'avion qui nous amène à Lyon !!

Le voyage sera un peu agité, beaucoup de bébés dans l’avion, ça pleure souvent, il y a aussi un groupe scolaire assez joyeux, des turbulences, difficile de se rendre aux toilettes. Je ne ferme pas l’œil du voyage.

28 avril Hou la la ! quelle journée qui commence mal ! Mon inexpérience des voyages outre-mer m’a fait oublier de prendre en compte le décalage horaire. Mon amie Christiane la pèlerine qui a généreusement offert de venir nous chercher à l’aéroport de Lyon pour nous mener au Puy-en-Velay est donc venue le 27 selon mes consignes. Bien entendu nous n’étions pas là. Elle est revenue le 28. Je ne sais plus comment m’excuser. Elle est là malgré le retard de l’avion avec sa pancarte. Quel bel accueil ! Ça fait chaud au cœur de la voir.  Merci mille fois Christiane ♥

On fait connaissance en vitesse, on grimpe dans sa voiture et en route pour le Puy. C’est quand même un moment émouvant de faire connaissance en vrai avec elle, alors que depuis des mois que je dialogue avec elle sur son blog de pèlerine. Elle est très simple et sympathique. Je me sens immédiatement bien avec elle.

Christiane nous mène donc jusqu’au pied de la vielle ville médiévale de Puy-en-Velay. Elle doit garer sa voiture et nous indique une rue par où monter. Elle viendra nous rejoindre dans quelques minutes. Danielle et moi grimpons un peu à l’aveuglette dans les rues en pente raide. On devrait coucher une nuit au Séminaire de St-Georges, chez qui j’ai réservé une nuit par courriel mais qui n’ont jamais confirmé (en fait, je verrais qu’ils confirmeront 4 ou 5 jours après notre arrivée !!! ) On trouve la grille arrière du Séminaire, mais on ne comprend rien, il faut un code pour ouvrir la porte. Christiane arrive et on décide de faire le tour pour trouver la grille avant. Arrivé au bon endroit on peut pénétrer sur le terrain, mais pas dans le bâtiment qui est fermé en dehors d’une certaine plage horaire (c’est normal, les gîtes fonctionnent ainsi pour permettre aux hospitaliers de faire le ménage et autres tâches).

Christiane, qui est très généreuse, à tout prévu et elle nous a apporté des salades et toutes sortes de choses délicieuses. J’avoue que j’ai faim et soif ! Le seul problème est qu’il vente tellement qu’il est quasi impossible de faire un pique-nique sur les hauteurs de la ville. La poussière lève du sol, les couverts s’envolent, les cheveux se dressent en tout sens, etc. On mange quand même en se cachant dans un coin du mur du Séminaire lol

Finalement, l’heure arrive et on se rend de nouveau à l’entrée des pèlerins. J'entre seule car la réservation est à mon nom.  Il faut traverser 2-3 grandes salles pour aboutir pratiquement dans les cuisines ou on me guide dans une petite salle avec un registre. Quand je me nomme la dame ( une cuisinière ? ) se met en colère immédiatement : « On vous attendait hier, vous n’êtes pas venues, blablabla ! » Ha non ! combien de temps va me suivre cette erreur ? Je m’excuse et je me réexcuse en expliquant la situation les larmes aux yeux parce que la dame n’est vraiment pas délicate. Je demande piteusement si il y a possibilité d’avoir 2 lits pour ce soir. Non ! Impossible ! Ils sont complets point barre tant pis pour moi et on me laisse repartir, comme la coupable que je suis, seule vers la porte au travers des grandes salles sombres.

Plus tard, je me ferai la réflexion que malgré mon erreur, si je n’avais pas fait de réservation comme le veut le sens fondamental du pèlerinage, je n’aurai pas eu plus de place… et pourtant ne nous dit-on pas qu’on ne laisse pas de pèlerin à la rue surtout dans une institution religieuse de cette grosseur ??? Et si eux avaient rapidement répondu à mon courriel lorsque j’ai fait la réservation et non une semaine après j’aurai peut-être vu mon erreur…

C’est donc le cœur gros qu’on se dirige vers un autre gîte situé (heureusement) juste un peu plus haut : l’Accueil St-François. On y reçoit un bel accueil chaleureux et pour le peu que j’ai vu, les lieux semblent charmants (je le recommanderais sans crainte) malheureusement les places (peu nombreuses) sont prises. Cette fois cependant une sympathique hospitalière m’indique de me hâter de descendre à l’Accueil pèlerin de St-Jacques, un peu plus bas, rue de Polignac, qui ouvre à 15 heures et ou on devrait avoir des places. Allez hop on repart avec nos sacs à dos.

Dans la cour intérieur du 3ième gîte, Christiane prend son cellulaire et téléphone. Par les fenêtres aux volets clos on entend le téléphone sonner et la dame répondre, ce qui est assez comique. La dame comprend alors que nous sommes dans la cour. Bien que nous la dérangions pendant son heure de repas que son ton soit un peu sec, elle comprend notre situation et notre état d’esprit. Elle nous assure d’un lit pour la nuit et nous offre de laisser nos sacs à dos dans l’entrée. Cependant, il nous est impossible de rester dans le gîte avant 15 heures.

(Christiane et moi dans la cour de l’Accueil pèlerin de St-Jacques)

Je suis bien sûr soulagée, mais je suis aussi exténuée. Je ne peux plus mettre un pied devant l'autre. Christiane rassurée de notre sort doit nous quitter maintenant et refaire la route vers chez-elle.  Elle aimerait bien revenir faire un bout du camino avec nous.  Elle nous redonnera des nouvelles.

Il y a quelques petites chaises blanches de plastique dans la cour, je m'effondre sur une et je ferme les yeux. Visiblement Danielle aurait le goût de se promener un peu. Je l'encourage à y aller sans moi, il n'y a aucun danger. Elle fait un petit tour, revient et s'assoie avec moi. Finalement pour lui faire plaisir, je me lève et lui propose de visiter un peu la cathédrale.

(La Vierge Noire trésor de la cathédrale)

C'était sans compter sur les particularités de cette cathédrale construite sur un piton volcanique ! On pénètre dans la cathédrale s'en remarquer que la petite porte que l'on vient de franchir ressemble à un confessionnal vue de l'intérieur de l’église. On fait le tour et on tente de prendre quelques photos qui seront toutes moches parce qu'il fait sombre. C'est une belle église avec quelques trésors particuliers comme une Vierge Noire.

Après quelques temps on cherche la sortie... on ne trouve plus notre sortie! Non mais quand même on ne va pas se perdre dans une église ! Pas de panique on va sortir par la grande porte... mais voyez-vous la grande porte de cette cathédrale est située SOUS l'étage principale, parce que lorsque les bâtisseurs successifs ont agrandit la nef principale il ne restait plus de place sur le piton volcanique devant la cathédrale. Après avoir descendu quelques marches sur le côté de la nef on se retrouve dehors devant la grande arche par laquelle les pèlerins commencent leur voyage. Pour ma part je suis bien contente, on trouvera bien notre chemin vers le gîte. Danielle n'est pas d'accord, elle veut qu'on remonte et reparte par le même chemin. La tension monte d'un cran sous l’œil amusé d'un mendiant. On remonte et on recherche la porte latérale. Finalement c'est en voyant des touristes sortir par la fameuse porte qu'on comprend notre erreur! * (voir note à la fin)


(une des nombreuses ruelles en pavé que nous empruntons pour voyager entre le vieille ville et la partie plus récente en bas)


(le porche qui mène à la cour intérieur de notre gite.  La grande classe quand même !  Remarquez la coquille clouée sur la porte en signe de ralliement)

Au retour au gîte on fait connaissance avec les 3 hospitalières et l'hospitalier qui seront nos hôtes. Ils se sont un peu adoucis et en fait ce sont des anges. Après quelques consignes d'usage (comme de laisser notre sac à dos sur le palier et non dans la chambre... à cause des puces de lit) nous pouvons enfin nous rendre à notre lit et prendre une douche. Peu après Gérald arrive et je suis vraiment contente de le voir. Comme il a obtenu le droit de dormir deux nuits au gîte on nous donne le droit à nous aussi. C'est une mesure spéciale car normalement les pèlerins, touristes ou randonneurs ne peuvent pas dormir plus d'une nuit dans les véritables gîtes (encore là plusieurs gîtes payant ne refuseront pas de louer une chambre plus longtemps !) Je suis incroyablement soulagée ! Cela signifie que nous pourrons visiter la ville un peu et nous reposer du décalage horaire.

(vue de la salle à manger et du petit coin cuisinette du gite et une de nos charmantes hospitalières)

Un peu plus tard on se rend à l’épicerie sur la jolie place publique qui fait la jonction entre la vieille ville (en pente) et la ville plus récente. C'est donc pas facile de trouver un compromis qui fasse plaisir à tout le monde... On remonte avec des plats à mettre au four micro-onde, c'est simple et pas trop moche. Avec Gérald on se rend au Pot du pèlerin, un petit local sympa où les pèlerins sont accueillis avec un petit verre. Il fait beau et chaud, mais il y a un vent terrible !

La journée se termine avec ce qui sera notre rituel pour les prochains jours : lessive, journal de voyage, crème pour les pieds, lecture du guide de voyage, rangement du sac à dos, brossage de dents et gros dodo. Bonne nuit!


(vue du dortoir où nous dormirons deux nuits, propre, simple mais efficace)
(Mon lit à moi est près de la fenêtre.  J'aurais pu choisir les deux lits isolés par un paravent, je n'ai pas voulu.  Je voulais vivre l'expérience à fond.)

(petit gag pour alléger le propos parfois un peu lourd de ce premier jour, voici mon sourire du jour des WC canin ! )


* quelques notes à propos de la cathédrale Notre-Dame de l’Annonciation du Puy-en Velay tiré de

http://fr.wikipedia.org/wiki/Cath%C3%A9drale_Notre-Dame-de-l'Annonciation_du_Puy-en-Velay


Le chœur repose directement sur le rocher, mais pour agrandir la cathédrale aux XIe et XIIe siècles afin d’accueillir les pèlerins toujours plus nombreux, quatre travées supplémentaires ont été audacieusement construites sur le vide ; pour rattraper un dénivelé de 17 m, d’importants piliers soutiennent les hautes arcades.

[…]

La façade de la cathédrale se dresse au haut d'un grand escalier. Elle comporte cinq étages d'architecture en appareil polychrome avec décoration de pierres disposées comme une mosaïque, et provenant des carrières de la région. Certains ont voulu voir l'origine de cette ornementation mozarabe dans le nombre considérable d'Espagnols qui fréquenta, au Moyen Âge, le pèlerinage à la Vierge noire. D'autres l'attribuent à l'influence des Croisés.

Avec ses arcs en plein cintre, cette façade appartient au style roman et peut être datée de la fin du XIIe siècle.

Un escalier de 102 marches, qui se continue sous le porche, débouche sous la nef. Cet escalier occupe toute la largeur de l'édifice durant les deux premières travées, puis se rétrécit pour ne plus avoir que celle de la nef principale pendant les deux travées suivantes, contre les murs desquelles ont été placées les portes en bois sculpté qui se trouvaient autrefois sur la façade.

Cette curieuse disposition s'explique par la déclivité du terrain et le manque de place. En raison des foules attirées au XIIIe siècle par le pèlerinage, il fallut agrandir l'église. Comme il n'y avait plus de place sur le rocher, les architectes décidèrent de construire en quelque sorte dans le vide, pour supporter les nouvelles troisième et quatrième travées.

L'escalier aboutit à la porte Dorée. Derrière celle-ci, dix-sept marches conduisent au centre de la nef. On aboutit entre les deux piliers devant lesquels ont été placées les statues de Saint-Louis et de Jeanne d'Arc, exactement en face du maître-autel. Ce qui a permis à un religieux de dire que « l'on entre dans l'église par le nombril et que l'on en sort par les deux oreilles. »









jeudi 30 août 2012

Écrire son journal de voyage



Lorsqu’on fait un grand voyage, grand dans le sens d’important pour soi-même et non dans le sens de distance ou d’argent, il est fréquent qu’on ressente le goût et même l’urgence d’écrire son journal de voyage. Beaucoup de pèlerins le font. Ça fait parti du rituel de l’après-midi ou du soir. Après la douche et la lessive, avant ou après le souper, chacun l’insère ou bon lui semble, mais bien peu y manque.

Écrire son journal de voyage, le raconter à monsieur-madame-tout-le-monde ou à sa famille, discuter des émotions ressenties pendant celui-ci, en publier le récit dans le journal, dans un livre ou sur un blog, etc, sont tous des gestes qui relèvent des mêmes besoins : de graver les moments précieux, de partager des expériences hors du quotidien, d’analyser et de comprendre son vécu ou ses émotions et de faire en sorte que ce soit profitable à d’autres personnes.

Cependant, il y a toute une gradation dans le niveau d’intimité que l’on désire partager. Ce que je peux partager avec mon seul moi-même, avec mon conjoint ou ma meilleure amie est certes différent de ce que je veux et peux partager avec la coiffeuse ou 100 000 lecteurs anonymes d’un blog (hahaha si j’ai 10 lecteurs je vais être contente).

Les questions avec lesquelles je jonglerai tout le long de ce récit seront donc : Où tracerais-je la frontière qui respectera l’honnête et la profondeur de ma démarche tout en ne devenant pas un règlement de compte ou un manque de délicatesse ? Comment écrire un récit qui soit honnête, émotif, vivant, réaliste sans blesser personne ? Et, à l’autre extrême, comment ne pas écrire un récit dilué ou fade qui sera parfaitement « correct » mais qui laissera faussement croire que tout le monde est fin tout le temps et que le pèlerinage est toujours agréable, sensationnel, émouvant, transcendant, etc ?

Personnellement, j’ai énormément lu et vu sur les pèlerinages avant de partir. Partout on me parlait des paysages et de la beauté architecturale. Pourtant, ce sont là les détails les moins importants AVANT de partir. Ce que moi je voulais savoir était beaucoup plus simple et fondamental : Où vais-je dormir ? Qu’est-ce que je vais manger ? Où vais-je faire pipi ? Vais-je trouver cela difficile mentalement et physiquement ? Très difficile ? Vais-je être bien accueilli ? Vais-je me sentir seule ?

C’est pourquoi mon récit sera émaillé de détails et de photos qui sembleront à certain totalement sans intérêt, mais pour les futurs pèlerins et randonneurs qui pourraient le lire seront importants.



Et puis, il sera le récit d’une vraie fille, avec des vrais sentiments, des vraies peurs, des vrais bobos, des vraies impatiences, déceptions, tristesses, joies, etc etc etc.